Le journal d'un généalogiste

 Extrait: "Le 13 janvier 1812, devant nous préfet des Basses Pyrénées, auditeur du conseil d’État, baron de l’Empire, s’est présenté le sieur Bertrand MANAUT, forgeron de la commune de Cardesse, canton Oloron, lequel nous a déclaré que le sieur BINTANE, secrétaire de la mairie, instituteur et percepteur de la dite commune, lui a remit un paquet de papiers enveloppés et cachetés, le 15 décembre 1810, veille de l’arrivée de la colonne mobile dans le canton Oloron. Il lui demanda de le garder, ajoutant que c’était des papiers de conséquences, lui recommandant, s’il venait à mourir, de les faire brûler.

bonaparte

Quelque temps après, ayant rencontré le dit BINTANE, celui-ci lui dit qu’il faudrait lui remettre le paquet qu’il gardait, à quoi le déclarant MANAUT répondu que oui. Voyant cependant qu’il n’allait pas reprendre le paquet, le déclarant ayant compris que des titres de la commune de Cardesse relatif à un procès qu’elle a contre celle de Monein,  avaient été volé, du moins disparu, il soupçonna que le paquet qui lui avait été confié pouvait bien renfermer ses titres.

Dans cette idée, il se détermina à l’ouvrir ; que la surprise fut grande d’y trouver six registres de l’État civil de la dite commune de Cardesse. Qu’après avoir réfléchi sur le parti qu’il avait à prendre pour se décharger de ce registre et croyant convenable de ne point les rendre au sieur BINTANE, il s’est déterminé à nous en faire la remise et nous les rendre en conséquence.

Nous constatons que dans l’acte de naissance du 10 mars 1790 qui paraît se rapporter à Mathieu PEYRIGAN, ce dernier nom se trouve biffé, et qu’il paraît qu’on a fait du mot fils le mot fille, par l’ajout des deux dernières lettres….

Qu’il paraît en plus que l’acte de naissance en date du 23 juillet 1792 relatif à Jean COUYALA a été retouché ; qu’il a été ajouté un e au mot né ; que du prénom Jean il a été fait Jeane par l’ajout d’un autre e ; et du mon fils, le mot fille par une autre addition d’un l et d’un e.

Le 18 mars 1812 , nous François LOUSTALET, commissaire délégué par Monsieur le sous-préfet de l’arrondissement d’Oloron, membre de la Légion d’honneur en vertu de son arrêté du 3 mars courant, pour informer au sujet de certains faits qui sont imputés au sieur BINTANE secrétaire et percepteur des contributions directes de la commune de Cardesse… nous sommes transportés dans la dite commune… et avons procédé à l’audition des témoins…

Septième témoin : le sieur CABANE François, métayer chez Monsieur PEDEBORDE de Cardesse ; déclarant qu’il y a cinq ans que son frère François, se trouvait à l’âge de conscription. Le sieur BINTANE lui fit une offre de garantir sont dit frère de partir pour l’armée, s’il voulait payer une somme de 300 Fr., le déclarant rejeta ses offres et lui observa que cela ne pouvait pas faire sans contre venant de la loi, et faire une friponnerie….

Neuvième témoin : le sieur PORTE Jean-Pierre âgé de 27 ans, laboureur de Cardesse déclarant qu’il a vu dans le temps les six registres de l’État civil de Cardesse déposée par le sieur BINTANE, en main du sieur MANAUT, et qu’il avait observé que sur celui des actes de décès, on avait porté Jean LASSALLE de haut et Pierre BOUHABEN comme décédés, quoi en vie tous les deux… et sur celui des actes de naissance du non de Jean CUYALA, on avait retouché le prénom, enfonçant du prénom Jean en celui de Jeanne…

déclarant aussi que son frère appelé Joseph se trouvant en l’âge de la conscription de 1807, une personne proposa à son grand-père décédé, de garantir son petit-fils, de concourir à ladite conscription, moyennant une somme d’argent."

source : archives départementales des Pyrénées Atlantiques.

On estime que 500 000 Français sont morts en Russie en 1812 et 250 000 à 300 000 Français sont morts entre 1808 et 1814, pendant les guerres napoléonniennes. Soit plus de 2% de la population française.

Ces guerres révolutionnent les armées européennes et notamment l’emploi de l’artillerie, ainsi que toute l’organisation militaire, à une échelle jamais vue auparavant, due principalement à l’introduction moderne de la conscription de masse.

Notre instituteur de Cardesse était bien au courant de la situation.

Sieur BINTANE touchait un salaire mensuel  de 50 francs, d'époque, pour son travail  d'instituteur dans la commune.

La suite de cette histoire dans un prochain article.